Aucune entente n’est encore intervenue entre le gouvernement et le personnel travaillant au sein des commissions scolaires (CS) crie et Kativik dans le cadre de la négociation pour le renouvèlement des conventions collectives. Qu’est-ce qui explique ce délai?
La négociation aux tables du Nord pour les différentes catégories de personnel des CS crie et Kativik a ceci de particulier : elle se termine toujours plus tard que celle se déroulant au sud de la province. Deux grandes raisons expliquent cette temporalité : l’une étant inhérente à la structure de négociation et aux dispositions de la Loi 37, l’autre relevant de stratégies patronales visant à allonger les délais, que ce soit pour l’atteinte d’un règlement satisfaisant ou sur le processus de signature en soi.
La ronde actuelle de négociations n’est pas, en ce sens, bien différente des rondes précédentes. Alors que les ententes ont été conclues au Sud, des règlements aux tables du Nord ne sont pas encore à portée de main.
Les raisons structurelles
Pour bien saisir le rythme de la négociation au Nord, il faut avant tout se pencher sur les dispositions de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic qui touchent spécifiquement les CS crie et Kativik. Plusieurs dispositions venant encadrer les négociations dans le secteur de l’éducation ne s’appliquent pas à ces CS, qui bénéficient plutôt de leurs propres conventions collectives et donc, par extension, de leurs propres tables de négociation et comités patronaux de négociation. Ces tables sont toutefois liées à ce qui est convenu au niveau national sur certaines matières, dont le salaire et les échelles de traitement.
Historiquement, cette configuration pour les tables du Nord s’est traduite par la mise en place de demandes coordonnées avec les tables du Sud, conjuguées à une série de demandes spécifiques aux milieux.
Le ralentissement patronal
Bien que les délais aux tables de négociation au Nord s’expliquent en partie par le contexte légal et organisationnel, il n’en demeure pas moins que les parties patronales optent régulièrement pour une posture d’attente. Autrement dit, la recherche de mandats y semble bien souvent plus problématique, et ce, même sur les matières dites « locales » ou encore spécifiques aux milieux. L’argument du « rythme propre au Nord » est régulièrement mis de l’avant au sein des interventions et retours des parties patronales, ronde après ronde.
Des délais excessifs
« Cette posture « attentiste » peut parfois mener à des situations presque déraisonnables. Comme à l’habitude, lors de la précédente ronde, les ententes du Nord ont été convenues par les parties aux tables plusieurs mois après les ententes du Sud, soit à l’été 2022. Les conventions ne sont toutefois entrées en vigueur qu’à la fin décembre 2022 pour le personnel de la Commission scolaire Kativik et à la fin mars en ce qui concerne le personnel de la Commission scolaire crie », explique le président de l’Association des employés du Nord québécois (AENQ-CSQ), Larry Imbeault.
Dans ce dernier cas, les longs délais à tous les niveaux administratifs et gouvernementaux auront fait en sorte que les conventions des personnels enseignant, professionnel et de soutien ont échu quatre jours après leur entrée en vigueur. « Bien entendu, on souhaite vivement qu’une telle situation ne se reproduise pas cette fois-ci, et tout sera mis en œuvre afin de l’éviter », ajoute-t-il.
Du côté du personnel enseignant
Comme ce fut le cas lors des rondes de négociations précédentes, une partie importante des demandes sont coordonnées avec celles de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ). « Une certaine cohérence est privilégiée en ce qui concerne la grande majorité des dispositions des conventions collectives entourant la tâche, le traitement, ou encore la composition de la classe. Il serait déplorable, voire possiblement injuste, qu’il en soit autrement », dit Larry Imbeault.
En ce sens, à la suite de l’entérinement de l’entente de principe par les membres de la FSE-CSQ, une crainte réside dans le fait que la partie patronale souhaite attendre les textes devant encore être rédigés. « On s’oppose évidemment à cette approche, croyant fermement que des discussions fructueuses peuvent être menées sur la base des principes qui la composent », ajoute-t-il.
Parallèlement aux enjeux nationaux, il y a aussi des enjeux bien locaux qui ont mené à la formulation de demandes spécifiques à chacune des commissions scolaires, par exemple au sujet des primes administratives, des dispositions sur le logement, des conseils d’école ou encore de la violence en milieu scolaire. Si les discussions avancent à un rythme acceptable à la table du personnel enseignant de la Commission scolaire Kativik, il en est tout autrement à celle de la Commission scolaire crie. Pour cette raison, la partie syndicale a transmis, au retour de la période des fêtes, une demande de nomination d’un conciliateur au ministère du Travail.
Du côté du personnel professionnel
Les cahiers de revendications pour le personnel professionnel pour les CS crie et Kativik ont été conçus dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et dans une optique d’attraction et de rétention. « De nombreuses demandes étaient communes avec les tables au Sud puisque les problématiques sont partagées. Les ententes de principe intervenues en décembre 2023 aux tables du Sud permettraient d’ailleurs de régler de nombreuses demandes syndicales », explique le président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ), Jacques Landry.
« Dans ce contexte, nous avons indiqué à la partie patronale au cours des dernières semaines que nous étions prêts à nous concentrer sur les demandes spécifiques du Nord afin d’en venir à une entente de principe dans un délai rapproché. Nous sommes toujours en attente d’un positionnement de la partie patronale sur cette annonce », ajoute-t-il.
La FPPE-CSQ espère une entente de principe satisfaisante rapidement pour le personnel professionnel des CS crie et Kativik. « Nous voulons éviter que nos membres se voient privés des augmentations salariales ainsi que des améliorations de leurs conditions de travail auxquels leurs collègues du Sud ont déjà accès, comme ce fut le cas lors des rondes de négociations précédentes », explique Jacques Landry. Il ajoute que cette situation est inacceptable et précise que « nous verrons à ajuster notre stratégie de négociation en conséquence afin d’éviter qu’elle ne se prolonge inutilement ».
Du côté du personnel de soutien
Les effets pernicieux du recours à l’argument du « rythme du Nord » par la partie patronale se font fortement sentir aux tables de négociation, tant du côté de la Commission scolaire crie que de la Commission scolaire Kativik. « Encore à ce jour, après bientôt un an et demi de négociation, nous sommes toujours devant une fermeture totale sur toutes les demandes susceptibles d’améliorer les conditions de travail de nos membres. Pourtant, la totalité des demandes a été présentée et les textes ont été déposés. Autrement dit, tout le travail de fond a été complété », explique Larry Imbeault.
De son côté, la partie patronale ne partage aucun détail de ses propres demandes coordonnées avec le Sud, lesquelles font par ailleurs partie des règlements entre la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ), le Comité patronal de négociation pour les centres de services scolaires francophones (CPNCF) et le Comité patronal de négociation pour les commissions scolaires anglophones (CPNCA). « Malgré la mise de l’avant d’un principe de coordination avec les parties patronales au Sud, la partie patronale au Nord s’en tient toujours à des principes très larges, empêchant toute discussion de fond de prendre place », conclut Larry Imbeault.